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PATRICIO NADAL

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NOUVEAUTÉ
LA TRAQUE DE L'OURS (5500 Av. J.-C.)
Le premier thriller néolithique

CAPBEAR EDITIONS

Une chronique sur le site La Cliothèque
association de professeurs d’histoire et de géographie

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Il y a environ 8000 ans, au Moyen Orient, des hommes appelés Néolithiques élèvent des animaux domestiques, et cultivent le blé et l’orge. Ces Néolithiques se répandent en Méditerranée, et, vers 5800 av. J.-C., ils abordent les côtes du Roussillon.


Notre histoire se situe 300 ans plus tard.


Pi, du clan de l’Ours, jeune garçon d'un clan forestier autochtone de chasseurs-cueilleurs, âgé de 15 ans, se lance à la poursuite des Néos meurtriers de ses jeunes soeurs. Au cours de sa quête de vérité et de vengeance, il va découvrir un nouveau monde en bordure de la Grande Mer et aimer une Néo.


Sur fond d’incendies dévastateurs allumés par les Néos colonisateurs, afin d’installer leurs villages et leurs champs, un front de contact, fait d’alliances et de confrontations meurtrières, se met en place.


La plupart des lieux décrits par Patricio Nadal dans ce roman d’aventures préhistoriques sont basés sur les résultats de fouilles archéologiques effectuées depuis Bélesta, l’étang de Leucate, le site de la Draga à Banyoles, le delta du Llobregar à Barcelone, ou Fornells sur l’île de Minorque.


La Catalogne devient le théatre du premier thriller néolithique!

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POSTFACE

Attention ! Comme le préfixe « post » l’indique, il vaut mieux lire ce qui suit après le roman,

sous peine de gâcher (spoiler en franglais dans le texte) une partie du plaisir de la lecture

Les découvertes archéologiques se résument à des traces, miraculeusement préservées malgré les millénaires écoulés, des oublis temporels constitués de pierre, d’os, parfois, mais rarement, de bois. Et de manques, trous indiquant la présence de piliers, perches, structures d’habitation, foyers, etc.

De ces restes que le hasard a préservés malgré les atteintes du temps (des dizaines de millénaires !), les archéologues, tout à la fois Sherlock Holmes et Sigmund Freud (l’archéologie naissant en même temps que la psychanalyse), tirent des enseignements extraordinaires. L’archéologie, comme toutes les sciences, repose sur des hypothèses, souvent contradictoires, qui attendent leur confirmation ou leur infirmation, qui ne peuvent venir que du terrain, des fouilles.

 

En tant que romancier, et non archéologue, parmi toutes ces suppositions nées des fouilles, donc du réel, j’ai dû choisir mon camp, et ma logique. Que je vais rapidement vous exposer.

 

La traque de l’Ours est une fiction.

Dans les années 50 on classait les récits préhistoriques, comme La guerre du feu de Rosny aîné, la mère de toutes les fictions préhistoriques, dans la science-fiction, par opposition à la fantasy, au fantastique, ce qui me paraît plein de bon sens. Tout n’est pas permis. Puisque ce sont des extrapolations dérivées de résultats scientifiques, qui s’appliquent. Ici au passé, alors qu’habituellement c’est à l’avenir qu’elles s’attaquent. Mais le résultat est identique. Nulle magie n’est convoquée…

 

En ce qui concerne les outils, les armes, les maisons, les techniques, les pratiques mortuaires, de même que certains lieux, je me suis basé, de manière pratiquement documentaire, sur les sources archéologiques.

Pour le reste, suivant, en cela aussi, la voie empruntée par les archéologues, pratiquant le comparatisme, j’ai puisé dans les cultures de peuples primitifs, indigènes, premiers.

 

Pour prendre un exemple concret : la chasse au bouquetin.

Un livre extrêmement intéressant, en ce qui concernait mon sujet, était celui de George C.Frison, Survival by hunting, Prehistoric human predator and animal prey (Survivre en chassant, L’homme préhistorique prédateur et sa proie animale), le livre d’un chasseur ayant pratiqué la chasse de tous les animaux qu’il évoque, dont il possède une connaissance intime, un homme, qui, au crépuscule de sa vie s’intéressa aux chasses préhistoriques, en l'occurrence celles des paléoindiens d’Amérique du Nord.

Entre autres animaux comme le bison, George C.Frison s’intéresse au bouquetin et relate les découvertes de complexes de pièges, datés pour certains de 6500 av. J.-C., montrant que les paléoindiens ne chassaient pas les bouquetins en les poursuivant, tactique plus ou moins vouée à l’échec, mais en les piégeant dans des parcs, et en les tuant, non à l’arc, mais au moyen de massues de bois, pour éviter de se blesser entre eux. Ils pratiquaient à cette occasion des rituels, tels l’inclusion des crânes d’animaux dans les arbres qui poussaient ensuite autour.

Je me suis donc inspiré de ces découvertes pour évoquer une chasse au bouquetin.

Et j’ai fonctionné de cette manière tout du long en essayant toujours de conserver en même temps que le côté aventure, thriller, une logique interne réaliste pour ancrer mon récit dans le réel et non dans la fantasy.

 

Quelles sont les grandes lignes de force qui m’ont guidé ?

 

Notre héros, le jeune Pi (on ne peut pas révéler son nom secret) est un chasseur-cueilleur. Ce sont des nomades. On leur a donné le nom de mésolithiques, de « la pierre-lithique, méso-moyenne », qui faisait suite au paléolithique, l’age de « la pierre ancienne ». Le paléolithique, qui voit apparaître les premiers dessins et peintures dans les grottes, 40 000 ans (voire 60 000) avant nous.

 

Environ 12 000 ans avant notre ère, par suite d’un léger changement orbital, la Terre se rapproche du Soleil. Cet événement, insignifiant à l’échelle du système solaire, engendre des conséquences incalculables. La couche de glace, qui emprisonnait l’Europe depuis 100 000 ans, commence à fondre. Le niveau des mers, de 100 mètres inférieur à celui d’aujourd’hui, se met à remonter. Une progression d’environ 1 centimètre par an, ce qui est considérable. Et notable, même durant la durée de la moyenne d’une vie humaine de l’époque, 35 ans. Equivalent à ce qui va nous arriver à partir d’aujourd’hui ! C’est dire !

Le climat change radicalement. Les grands animaux qui peuplaient les steppes glacées : rennes, mammouths, bisons, chevaux, tigres à dents de sabre, lions des cavernes, disparaissent de nos latitudes. Une grande forêt, des marécages, des lacs, remplacent les paysages ouverts et la glace. Les humains, chasseurs nomades, habitués depuis des millénaires à cet environnement glaciaire, doivent s’adapter à une nouvelle faune, plus diverse et plus petite. Les groupes se réduisent. L’homme invente l’arc, une arme plus adaptée au nouveau milieu forestier.

 

Au Moyen-Orient, vers cette époque, certains chasseurs-cueilleurs se sédentarisent. Les populations augmentent. Ils inventent le village, la ville, la domestication et la culture de plantes (blé, orge, lentilles, pois), celle de certaines espèces animales et l’élevage (chèvres, moutons, bœufs, cochons), ainsi que la poterie. Ces mésolithiques vont devenir ce que nous nommerons des néolithiques (de « la pierre nouvelle »)

 

Les néolithiques se répandent peu à peu à travers le monde. Certains par le bassin méditerranéen, d’autres par l’Europe Centrale, d’autres par la côte sud, le long des côtes égyptiennes, libyennes... tunisiennes, algériennes, marocaines, espagnoles ? Et à travers le Sahara, parce que nous savons, par les gravures sur roches découvertes par Henry Lhotte que le Sahara à l’époque est fertile, riche, peuplé d’animaux variés, rhinocéros, girafes, de bétail, de troupeaux.

 

Vers 5800 av.J.-C. les premiers pionniers néolithiques, venus du sud de l’Italie par cabotage au moyen de pirogues, simples troncs d’arbre creusés au feu, débarquent sur les côtes du Languedoc. À la recherche de prairies plus vertes, de pâturages, de terres cultivables, amenant avec eux leurs céréales et leurs animaux domestiques, leurs croyances et leurs certitudes, poussés vers l’Ouest par on ne sait quelle volonté, rêve ou religion. Fuyant peut être quelque chose ou quelqu’un, ils entrent en contact avec les chasseurs-cueilleurs qui vivaient depuis toujours dans ces contrées.

 

Quelques millénaires plus tard, tout le monde (ou presque) est néolithique !

 

Pi, notre héros est un chasseur mésolithique. Regardez-le ! Observez-le bien ! Avec ses cheveux bruns ébouriffés, sa peau sombre d’africain... et ses yeux bleus ! Car l’ADN a parlé. Les chercheurs ont pu constater que les restes de chasseurs cueilleurs âgés de 8 500 ans, retrouvés en Espagne, au Luxembourg et en Hongrie, ne possédaient pas les deux gènes marqueurs de la peau dépigmentée des Européens, de la peau pâle... Mais par contre ils possédaient les gènes qui, chez nous, engendrent des yeux bleus.

Pi ! La barbe ne lui pousse pas encore au menton. Il mesure son bon mètre soixante-cinq. La taille idéale pour se faufiler dans les sous-bois. Fin, musclé, rapide.

 

Pi ! Le nom, à son époque, rend compte d’une particularité soit physique, soit environnementale. À la façon du système indien américain, genre « Taureau-Assis », ou « N’a-qu’une-dent », système toujours en vogue actuellement mais ignoré par la plupart d’entre nous : Bernard (Bern Hart) égale « Fort comme un ours », Frédéric « Puissant dans la paix », Adolph (Adal Woulf) « Noble Loup », Robert « illustre par la gloire », Roger « javelot de gloire », etc. Ce sont les noms que les germains portaient en l’an 580, et que nous avons conservé depuis sans le savoir.

Dans le langage parlé on raccourcit toujours, Jean-François donne Jeff, Patrick Pat, etc.

Donc notre héros a été baptisé Pinailleur, et son nom couramment utilisé c’est Pi. L’Archer son père, c’est Larc, etc.

 

On compte en printemps dans le clan de l’Ours auquel appartient Pi, qui vient de fêter ses quinze printemps. Il a été admis dans la confrérie des chasseurs il y a quelques mois, on dit lunes chez les Ours, et on lui a dévoilé son nom secret, après quelques épreuves et une initiation. Officiellement, selon les critères de son clan, c’est un adulte maintenant.

La moyenne d’âge à son époque est de trente-cinq ans. C’est-à-dire qu’on recense quelques cinquantenaires, mais qu’en général on ne dépasse pas les quarante ans. Pourtant il y a des exceptions. Regardez la Vieille ! La Chamane, la guérisseuse. Personne ne sait combien de printemps elle a vécu. Elle non plus d’ailleurs. Une vraie centenaire du haut de ses soixante ans. D’ailleurs, chez les Ours, on ne compte pas. On dit beaucoup. On dit deux et plus. Faut dire qu’entre une vie rude, les accidents, les maladies, l’homme de l’époque met son corps à rude épreuve. Live fast, die young. Vivre vite, mourir jeune ! On a autre chose à faire qu’à compter !

Ce qui la caractérise, cette époque carrément, disons-le, préhistorique, c’est la jeunesse. Le monde est jeune ! Pensez donc, on est en −5500 av. J.-C. ! Donc si on calcule bien, parce que nous, on compte, on est en 7500 avant aujourd’hui : sept millénaires, presque huit !

 

Pour bien appréhender ces temps reculés, il faut saisir la notion de : « il n’y a pas de » !

Il n’y a pas d’internet (il n’y en avait pas pour nous avant 1997), il n’y a pas de réseaux sociaux (Facebook démarre en 2005), il n’y a pas téléphone (qui se répand en 1900, et en 1990 pour le mobile), ni de télévision (qui se met en place en couleurs dans les années 70 en France), ni d’électricité (premiers foyers connectés en 1880), ni d’eau courante (mise en place en 1880 en France ; l’Empire Romain avait déjà inventé la distribution de l’eau, mais pour quelques riches patriciens, pour le reste du monde on devait aller chercher l’eau dans les rivières, puits, etc.), ni de roue, ni de routes, ni d’écriture (plus ou moins inventée à Sumer en 3500 av. J.-C.), ni de fer (−800 av. J.-C.), ni d’épée… Ni d’État, ni d’armée, ni de police...

 

Tout est de pierre, de terre et de bois : maisons, outils, poteries, armes… Les bijoux sont des coquillages ou des dents d’animaux. Des pirogues permettent les déplacements sur mer, sur lac et sur rivières. Pour le reste, on se déplace à pied, et on trimballe tout à dos d’homme. Et de femme. Il n’y a ni cheval ni charrette. Il n’y a pas de roue ! On domestique à peine les premiers animaux : porcs, bovins. Depuis longtemps les chiens accompagnent les humains.

Tout ce que nous connaissons ne viendra que bien plus tard. Pour nous, les Gaulois, nos ancêtres, peuple sans écriture, nous paraissent déjà lointains. Alors eux, les peuples de la forêt, les contemporains de Pi, qui vivaient des millénaires avant les Gaulois…

 

Combien sont-ils ? Difficile à dire, mais de savants calculs basés sur le nombre de chasseurs-cueilleurs par kilomètre carré chez les inuits, les Indiens d’Amérique du Nord et d’autres peuples nomades donnent le chiffre de peut-être quatre cent mille pour l’Europe entière ! Imaginez vingt mille personnes, la population d’une petite ville, répartie sur un vaste territoire comprenant le Languedoc et le nord de l’Espagne actuelle, lieux où se déroule l’histoire de Pi.

La Catalogne actuelle, nord et sud ! 20 000 habitants !

 

Dans ces communautés réduites, toujours en danger de disparition, la croyance que ce qui arrive à un membre du groupe touche les autres prévaut. C’est, du moins, l’option que j’ai choisie d’emprunter, choisissant de prendre modèle sur de nombreuses coutumes primitives attestées.

Le mal frappant l’un frappe aussi les autres. Ces présumés liens d’interdépendance entre des réalités différentes sont à la fois un facteur qui amplifie des craintes, souvent infondées, mais c’est aussi le fondement de comportements qui favorisent la survie du groupe en assurant la coexistence et la protection mutuelle de ses membres.

C’est à travers ce système de croyances que s’établit le système des tabous. Les tabous sont là pour protéger le groupe. Ils ont pour fonction d’empêcher le contact avec des personnes, des objets ou des matières considérées comme dangereuses, mais aussi d’empêcher la propagation d’un danger en empêchant que ne s’établissent des liens entre des personnes dangereuses et les autres. Et ces dangers se ramènent tous à la crainte originelle du danger du sang.

La manifestation la plus apparente de ce danger et de ce tabou, ce sont les interdits universels liés aux femmes en règles ou aux accouchées. Pour des chasseurs dont l’ordinaire comporte des épanchements sanglants qui conduisent à la mort des animaux, mais aussi parfois à celle des chasseurs eux même, ces écoulements féminins, qui touchent des zones intimes liées à la sexualité et à tout ce qu’elle comporte de désir, de mystère et de craintes, mais aussi à toute l’organisation sociale, sont ressenties comme suffisamment angoissantes pour qu’on instaure tout un ensemble de règles et d’interdits dont la hutte menstruelle pour écarter les jeunes filles pubères et les femmes en règles.

 

La Vendetta. Honneur et vengeance. Que peut bien signifier pour Pi et ses contemporains ce mot anachronique, que nous utilisons ? Il ne faut pas comprendre ce mot au sens moderne de vengeance, de haine irréductible entre deux familles pouvant entraîner une suite sans fin de meurtres et d’assassinats. Pour le clan de l’Ours, une vendetta n’est jamais une bien grande affaire. Se venger de quoi ? Il n’est pas dans les habitudes des clans de s’entretuer. Les hommes sont si peu nombreux, la terre immense. En cas de problèmes territoriaux par exemple, ils discutent, ils palabrent, ils partagent, sinon, en cas d’incompatibilité manifeste, ils déménagent. Pas plus compliqué. Leur but premier est de préserver les membres du clan, d’éviter de perdre des chasseurs ou des femmes, futures mères. En cela, ils ressemblent encore beaucoup aux animaux, dont le comportement les inspire depuis des milliers d’années. Ils ne peuvent pas « rembourser de dettes d’honneur », selon l’expression consacrée. Ils ne possèdent rien. Ils ignorent tout des dettes. Ce qui s’en rapproche le plus, c’est le mariage, qui exige de la part du futur époux un comportement particulier, qui se rapproche d’un devoir. Le devoir est partagé par tout le clan, comme le sont toutes les épreuves et bonheurs de la vie. Il arrive, bien entendu, que par accident, une lutte un peu trop réaliste et poussée, entraîne la mort de l’un des combattants. La lutte ayant été réciproque, il est admis que chacun prenait ses risques et cela n’entraîne aucune conséquence. Qu’offriraient-ils en échange d’un mort ? Pourtant la Vendetta est admise comme réaction ultime, admise par le code des tabous, qui représente leur arsenal législatif. C’est encore une transgression du tabou du sang.

 

Chaque famille est responsable à l’égard d’une autre famille du crime commis par un de ses membres, comme un clan à l’égard d’un autre clan. C’est donc parmi les siens que le criminel trouvera ceux qui ont le plus grand intérêt à ce qu’il soit pris et condamné. En effet, s’il s’échappe, c’est un autre individu de son sang qui paiera. La base de la société est la famille, famille au sens large de frères, soeurs, père, mère, mais aussi oncles, tantes, cousins et cousines. Famille au sens encore plus large de clan, qui fait des membres du clan de l’Ours des frères et des soeurs, des pères et des mères, même s’ils résident à des dizaines de kilomètres de là. Et eux aussi sont responsables des actes des autres membres de leur famille.

Dans le cas d’un assassinat, la famille peut demander une compensation, un dédommagement : le « prix du sang ». Pour les néos, ce prix du sang, s’évalue en têtes de bétail, chèvres, moutons, vaches ou cochons. Mais chez les chasseurs-cueilleurs qui ne possèdent pas grand chose, le prix du sang est plus problématique. Il donne lieu à de longues discussions et pourparlers. Ce qui paraît juste aux uns ne l’est pas pour les autres. Et il peut arriver que, loin de parvenir à un accord, les deux parties se déclarent la guerre, qu’on en vienne aux mains, clan contre clan. Et souvent la seule raison de ces guerres est la passion, le sexe, l’intérêt n’intervenant pas dans des sociétés qui ne possèdent rien, et dont chaque membre est interchangeable.

Dans ces conditions, un homme, ou une femme, isolés sont déjà morts. Le simple fait de se trouver loin de chez soi, dans un autre clan que le sien, provoque des soupçons. En outre, tuer un individu isolé ne présente aucun risque. Personne ne le connaît, personne ne viendra le réclamer. Peut-être est-ce un criminel en fuite. Dans ces conditions, la seule raison universellement reconnue est... La Vendetta ! La Vendetta assumée, expliquée, racontée, détaillée.

La Vendetta s’explique par le fait que les personnes recherchées par celui qui la proclame sont, soit des criminels en fuite n’assumant pas leurs forfaits et donc soumis à une juste punition, soit des étrangers, des inconnus, appartenant à des clans étrangers avec lesquels le clan n’a pas d’accords.

 

L’eau. Les bras de mer, les fleuves et les rivières. Vus comme des obstacles à la circulation des hommes. Qu’il faut franchir. Par des gués. Sur des arbres morts encombrant le lit des fleuves et des rivières. Sur des troncs d’arbres faisant office de ponts... ou de radeaux. À pied. Dans l’eau jusqu’au cou ! A la nage.

C’est en fait le contraire qui s’avère exact. L’eau est une route, et même une autoroute. Facilitant le transport des hommes et des marchandises, ouvrant de nouveaux trajets, multipliant les échanges. Au néolithique, plus tardif que celui de l’époque de Pi, les hommes traversaient la Manche avec une facilité surprenante. On en retrouve des traces de chaque côté du Channel. Les traces solides ce sont les poteries. Les poteries se brisent sans cesse. On ne les répare pas mais on en fabrique de nouvelles facilement. De l’eau, de la terre, un peu de liant, du feu. Et ces poteries, chaque culture les décore à sa manière. C’est d’ailleurs de cette manière qu’on différencie les différentes communautés néolithiques, en fonction des décorations des poteries. Et les morceaux, les fragments, les tessons de poteries : pots, marmites, assiettes, récipients divers, on en trouve partout. À cette époque, au néolithique final, des communautés traversent la Manche. Ces communautés fabriquent leurs poteries au colombin, elles ignorent le tour de potier. Que leurs collègues d’Outre Manche maîtrisent parfaitement. Pourtant on retrouve ces poteries au colombin présentes pendant longtemps dans l’île. Les continentaux n’adoptent pas le tour de potier si aisément, progrès à nos yeux, qu’ils ne considèrent pas, à l’évidence, eux, comme une innovation. Signe que les hommes ont du mal à se défaire de leurs habitudes. Culinaires, culturelles, cultuelles.

 

Ne dit-on pas que les néolithiques inventent la poterie ? C’est faux. Des chasseurs cueilleurs, en Sibérie et ailleurs, cuisent des jouets en poterie bien avant l’époque néolithique. Mais ils n’en font pas plus. De même que les incas connaissaient la roue, on le voit sur leurs peintures, mais ignoraient la charrette. Les premiers qui, au Moyen-Orient, inventent le village et la ville, l’agriculture et l’élevage, n’utilisent pas encore la poterie. C’est la période PPNA, pré-poterie néolithique A. Le progrès est une notion fluctuante, et souvent, disons-le, idéologique. C’est le présent, qui voyant l’intérêt de certaines techniques qu’il utilise quotidiennement, en fait un marqueur de progrès des sociétés antérieures, mais, ce faisant, souvent, il refait l’Histoire en se livrant au péché mortel de la discipline : l’anachronisme.

 

Mais revenons-en à l’eau. Les néolithiques partent du Moyen-Orient et se répandent dans le monde. Par la terre, l’Europe centrale et les Balkans. Par l’eau et la Méditerranée. Oh, pas vite. On estime leur progression à vingt kilomètres par an. Ils s’installent, créent un village, plantent céréales et légumineuses. Élèvent leurs animaux : moutons et chèvres au départ. Puis la population augmente. Là où les mésolithiques ont un enfant tous les trois à quatre ans, les femmes néos en ont un par an. Donc la population augmente rapidement. En même temps les terres donnent de moins en moins. Elles s’épuisent. En cause les méthodes de culture encore sommaires. On récolte un épi pour deux grains semés… si les aléas climatiques le permettent. Il faut aller de plus en plus loin du village pour cultiver et récolter. Autour du village, la forêt recule. Bois de construction, alimentation des feux, des fours à poterie, brulis pour les plantations l’épuisent.

Le village entier doit se déplacer de quelques kilomètres tous les vingt ans environ, ou se scinder du fait de l’excédent de population. Dans ce processus de colonisation, car c’en est un, la colonie mère donne des colonies filles. On fabrique de nouveaux bateaux, et, même si nous n’en avons aucune preuve, il est raisonnable de penser que ces bateaux bénéficient d’améliorations constantes apportées en fonction des expériences passées. On n’a pas retrouvé de trace de ces embarcations allant en mer, le bois ne se conservant pas, d’autant que le niveau des mers a monté de plusieurs dizaines de mètres, engloutissant ce qui constituait la partie littorale. On en a néanmoins retrouvé préservées dans des tourbières, au fond de lacs, ou dans la boue des rivières. Ce sont des pirogues dites monoxyles, creusées dans un tronc d’arbre. Ce qui, ne nous y trompons pas, demande déjà une certaine science, de la réflexion, des connaissances, des procédures et des gestes précis.

J’ai imaginé qu’il pouvait exister d’autres types de pirogues, constituées de bouts d’écorce percés et reliés entre eux par des liens, comme il en a existé chez d’autres peuples, ou des voiles pour traverser des bras de mer ou rejoindre des îles, mais nous n’en avons aucune preuve archéologique… pour le moment.

Ces pirogues ne sont pourtant pas, à l’origine, le fait des néolithiques. Déjà avant eux des chasseurs cueilleurs s’en servent pour aller sur l’île de Chypre par exemple, en Sardaigne, en Corse ou sur des îles au large de l’Écosse. Ils laissent très peu de traces, n’établissant pas de campements permanents, mais ils le font. Ce n’est plus du cabotage. Ils traversent des bras de mer sur des dizaines de kilomètres, en pleine mer. Puis les néolithiques se répandent par cabotage le long des côtes. Mais pas uniquement, eux aussi vont à leur tour coloniser les îles. Y apporter des animaux et des plantes domestiques. Et plus extraordinaire encore des animaux sauvages ! Comme les mésolithiques l’avaient fait avant eux.

 

Qui sont ces hommes et femmes venus s’installer sur les terres languedociennes ? Ces néolithiques que Pi rencontre au nord et au sud des Pyrénées. Leurs poteries décorées renvoient à l’Italie du sud, à la Sicile. De même l’obsidienne qu’ils utilisent, et semble-t-il échangent fort loin, proviennent aussi de la Sicile, des pentes volcaniques de l’Etna.

 

Qu’en est-il du cannibalisme ?

À peine le mot est-il prononcé que vous frissonnez de dégoût. Glauque, gore, horrible, anormal, une sorte de transgression ultime ! Et pourtant… Quand il est question de survie, en cas d’accident d’avion, ou de naufrage, ou bien de famine, quand pour survivre vous n’avez plus qu’une seule solution : consommer de l’Homme ! Que feriez-vous ? Il n’est pas question de tuer des gens pour les manger, non ! Seulement manger un bout de cadavre pour subsister, à contrecoeur certes, mais au final rien ne différencie ces protéines d’autres chairs animales, à part l’affect, la morale, les conventions de l’époque. Il n’en a pas toujours été ainsi, comme nous le prouvent les preuves archéologiques : Neandertal, néolithique, peut être même paléolithique, donc en fait durant toute la préhistoire, on consommait de l’Homme. Et l’Histoire me direz-vous ? Là aussi les preuves ne manquent pas, preuves ethnologiques mais pas que. On mange son prochain à différentes occasions, et pour différentes raisons, à toutes époques. Et fréquemment ! On mange l’ennemi vaincu pour s’approprier sa force, de la même manière qu’on mangeait le foie de l’animal abattu. On mange le chef de tribu décédé, pour lui rendre hommage et ingérer là aussi sa force, sa puissance. On mange les esclaves. Pourquoi ? Mais parce qu’on a faim. Et puis aussi par gourmandise. Il a pu arriver que des tribus ne nourrissent que d’autres humains, mais ce ne peut être qu’extrêmement rare, certes on dit que la viande humaine est tellement savoureuse, comparable à celle des meilleurs cochons qu’on s’y accroche. Addicts au cannibalisme, nous voilà bien ! Qu’est-ce qu’on fera quand on sera gros ? Non, dans l’immense majorité des cas, on ne devient cannibale que par nécessité ou par conviction religieuse ! Ne dit-on pas dans une des religions du Livre : Ceci est mon corps, ceci est mon sang ? On mange symboliquement, heureusement, la corps du Christ ! Alors ne jetez pas la pierre aux cannibales !


 

Et l’inceste ? Demandez aux Égyptiens, juste quelques millénaires plus tard, pour qui l’inceste royal est une tradition dynastique, comme pour de nombreux peuples africains, toujours pour cette même raison qui autorise au roi, et à sa famille, ce qui est interdit au peuple : briser les prohibitions et les tabous même les plus primordiaux.


 

Quand à l’esclavage... Comme pour l’inceste, le mot esclavage recouvre bien des réalités différentes, qui sont filles des rapports sociaux de dépendance issues du mariage, de la malchance...


 

Et enfin, pourquoi n’est-il pas question de la Déesse-Mère ?

Bien que certains et certaines comme Marija Gimbutas en fassent l’alpha et l’omega, trouvant dans chaque poterie, sculpture, un signe de la Déesse, représentée sous ses différentes incarnations : Ourse, Louve, poisson, etc. Il m’a semblé que cette unicité ne pouvait qu’être postérieure à l’époque de Pi. J’ai choisi de penser que les dolmens et les tombes mégalithiques représentaient un culte des ancêtres, faisant suite à un culte des crânes antérieur, et donc d’imaginer que ce culte des ancêtres précédait lui-même un culte des ancêtres divinisés, annonçant l’apparition des dieux proprement dits, ce bien avant que ces dieux et déesses ne s’unissent sous l’unique appellation d’une Déesse Mère…


 

Le néolithique ! Une période assimilée à la préhistoire, parce que sans écriture. Mais pourtant beaucoup considèrent qu’avec le néolithique commence l’Histoire. Des millénaires plus tard, au Moyen-âge, les paysans vivront de la même manière, dans une maison carrée, au toit de chaume, avec leurs animaux au rez-de-chaussée. Des millénaires plus tard, NOUS vivons de l’agriculture et de l’élevage !

 

Le marqueur le plus expressif, ce sont, peut être, les maladies. Rhume, grippe, sras, charbon, ces maladies sont toutes nées de notre proximité avec les animaux domestiqques, proximité ignorée des paléolithiques. Ce n’est pas le ou la Covid-19 qui me démentira !


 

Ce qui n’apparaît pas à la lecture du roman, c’est la localisation géographique, qui est pourtant très précise, mais impossible à indiquer, parce qu’elle serait complètement anachronique. Les noms de régions et de localités ne viendront que bien plus tard.

Néanmoins, maintenant que vous avez lu cette postface je peux indiquer quelques points de repère :

Selon les résultats de fouilles attestées :

Bélesta-le-Chateau et son très beau musée, découvertes concernant l’age de bronze -4500, mais la grotte devait être occupée au néolithique

Caudies-de-Fenouillèdes : carrière de débitage de lames de silex

Port-Leucate : restes de poterie, donc néolithiques.

Un peu partout dans les P.O des fouilles, quelques résultats.

Roses.

La Draga Banyoles : village lacustre, quelques soupçons de cannibalisme.

LLobregat (Barcelona)

Delta de l’Ebre

Minorque

 

Fin (provisoire ?) de ce rapide et fragmentaire tour d’horizon…

A suivre peut-être…


 

Patricio Nadal


 

P.S : Si vous avez des commentaires, des critiques n’hésitez-pas à me les envoyer. J’y répondrai toujours. Quand est une autre question.

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